Le programme de la médecine s'est articulé depuis au moins l'Antiquité autour de ces 3 éléments : un sachant qui peut être aussi praticien, des savoirs concernant les affections et les moyens de s'en prémunir ou de s'en débarrasser, et une personne, un consultant, un « malade ». Ce programme inclut donc par nature, un caractère individuel et personnalisé. Ces dix dernières années, le concept de médecine personnalisée, plus largement de médecine 4P (personnalisée, préventive, participative et prédictive), suscite un regain d’intérêt au sein du monde de la santé. Que peut signifier, et impliquer, cette médecine personnalisée ? En sus des 3 éléments cités, la médecine 4P rend plus visible la participation d’autres éléments clés : le développement technologique, et les acteurs qui promeuvent ce développement d’un point de vue idéologique et commercial. La personnalisation mise en avant entend toucher au moins deux moments des pratiques en santé : la prévention et le curatif. Ces deux moments ont vu leurs moyens d’action augmenter grâce d’une part au développement d’un modèle biomédical de la santé prédominant, appuyé sur l’essor de l’evidence-based medicine mais aussi de l’épidémiologie et du concept de facteur de risque, et d’autre part des technologies comme celles de séquençage du génome et du numérique. Aujourd’hui, la médecine personnalisée est à l’intersection du discours, du développement technologique et de ses potentiels apports à la santé. Ce discours est tenu par plusieurs acteurs, aux intérêts qui peuvent diverger et apportant autant de définitions de la médecine personnalisée : à partir d’une approche interdisciplinaire liant sociologie, épistémologie appliquée et sciences de la santé, nous proposons de discuter de la position de ces acteurs (professionnels de santé, entreprises technologiques, financeurs entre autres), des définitions qui en découlent ainsi que des implications actuelles ou possibles de ce discours sur les pratiques en santé et le système de soins en France. Enfin, nous reviendrons sur l’articulation entre social et individuel et les dimensions non technologiques de la personnalisation.